question capitale (11/01/2011)

 

 

 

 

 

par antonin moeri

 

 

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“La chasteté de Clarissa” est une nouvelle excitante pour l’esprit. La protagoniste est une belle rousse âgée de 25 ans, yeux verts, peau très blanche, poitrine opulente. Elle débarque sur une île, dans une station balnéaire où elle devra s’occuper du cottage de ses beaux-parents. Baxter est un type dont la réputation est douteuse. Séduisant, teint bronzé, avare, divorcé deux fois, il couche à droite et à gauche. Clarissa l’intrigue. Il l’emmène sur la plage. Plus belle que jamais, elle entre dans l’eau en frissonnant. “Les pierres sur le cap ont beaucoup grandi”, dira-t-elle. Curieuse remarque. Baxter se demande quelle image cette fille a d’elle-même. Se voit-elle comme une actrice, une nageuse émérite, une héritière? Il dépose un baiser sur ses lèvres. Elle le repousse violemment.

Une semaine plus tard, elle lui avouera que son mari et sa belle-mère la considèrent comme une sotte, qu’elle a des opinions sur beaucoup de choses mais qu’ils ne la laissent jamais ouvrir la bouche. “Ils passent leur temps à m’interrompre comme s’ils avaient honte de moi”. Clarissa est réduite à un rôle qu’elle voudrait ne pas jouer. Aura-t-elle la force de se révolter en rejetant son mari et la mère de celui-ci? Cheever préfère ne pas répondre. Si Baxter prend la peine d’écouter Clarissa et de lui répéter combien elle est intelligente, c’est qu’il désire coucher avec elle, se dit le lecteur qui posera la question décisive: un libertin avare fait-il le poids à côté d’un propriétaire terrien parti momentanément à l’étranger pour travailler sur un projet grandiose, incontestablement excitant?

 

Cheever propose au lecteur d’observer la vie qui nous entoure et de trouver une réponse à cette question capitale.

 

 

John Cheever: Déjeuner de famille. Editions Joëlle Losfeld, 2007

 

 

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