Chasser l'idéologie... (19/11/2010)

Par Pierre Béguin

Décidément, les socialistes n’apprendront jamais. Quand on est stupide…

L’énorme baffe qu’ils s’étaient prise lors de l’initiative pour une caisse maladie unique (dont, personnellement, je ne crois une seconde qu’elle puisse être une solution) n’a pas suffi. Cette initiative aurait pourtant passé comme une lettre à la poste s’ils n’avaient pas commis la sottise de vouloir l’assortir d’un financement par les impôts. Au lieu de s’en tenir à la première proposition et de gagner cette votation haut la main, ils n’ont pu résister à troquer le pragmatisme contre l’idéologie. Avec la défaite cuisante et attendue qui a sanctionné cette sottise. Eux-mêmes ont d’ailleurs reconnu leur erreur et promis qu’on ne les reprendrait plus.

Et voilà qu’ils recommencent avec leur nouvelle initiative sur la fiscalité. Au lieu de s’en tenir à une seule proposition – fixer un plancher au rabattement fiscal – qui remporterait certainement l’adhésion du peuple, ils sont rattrapés par leur vieux démons idéologiques: une augmentation de l’impôt sur la fortune à 5% (au lieu du 1% existant) dès deux millions de fortune déclarée. Impossible dès lors de prétendre que seul 1% de la population serait touchée: un smicard ou un retraité qui aurait hérité d’une maison de famille à Genève, par exemple, aurait de grande chance, au prix délirant de l’immobilier, d’être taxé sur sa fortune d’une somme que ses maigres revenus ne suffiraient pas à payer. Cette situation, en réalité, peut concerner beaucoup de monde. Et ce n’est pas un hasard si les débats se focalisent sur la première proposition et occultent allégrement la seconde. Je soupçonne fortement les socialistes de dévier l’attention des citoyens sur un leurre (le plancher fiscal qui ne concerne que quelques cantons et, effectivement, une toute petite minorité) pour faire passer une augmentation d’impôts en relevant fortement la taxation sur la fortune (qui va concerner beaucoup de monde). Mon ami Alain Bagnoud, à lire sa dernière note sur Blogres qui ne prend en considération que la première proposition, me semble s’être laissé prendre au leurre. Du moins, confirme-t-il par son exemple la thèse qu’il défend: avec la maison familiale et les vignes qui l’attendent en Valais, je me demande s’il n’a pas voté contre ses intérêts. Indécrottable idéaliste, Alain! (j’espère que tu prendras cette pique avec humour…) Si certains se laisseront prendre, la plupart ne tomberont pas dans le panneau, comme semble l’indiquer les sondages. Et les socialistes pourraient recevoir une nouvelle baffe pour les mêmes raisons que lors de leur précédente initiative sur l’assurance maladie. Des raisons qu’ils avaient pourtant parfaitement identifiées. Si ce n’est pas de la bêtise…

L’impôt sur la fortune, s’il déclenche par son appellation même un stupide réflexe anti-riches, est un impôt parfaitement inique, puisqu’il n’est ni plus ni moins qu’une double taxation qui peut se révéler dramatique dans beaucoup de situations de la vie courante, des situations qui ne concernent pas que des riches mais aussi des gens simplement dans la moyenne. Il devrait être supprimé sans autre forme de procès au profit d’un fort relèvement de la TVA sur les produits de luxe. Je me demande d’ailleurs pourquoi les libéraux, si prompts à s’attaquer aux impôts, n’ont pas lancé d’offensive dans ce sens. Je les soupçonne de s’être arrangés avec les socialistes, du genre «on ne s’attaque pas à l’impôt sur la fortune mais vous ne vous attaquez pas à la TVA». Bref, avec les libéraux comme avec les socialistes, on s’attend au pire, on est encore surpris…

Moi, pour tout dire, je confirme par l’exemple la thèse d’Alain Bagnoud: j’ai voté contre mes intérêts pour l’initiative socialiste. Parce que ce dumping sur l’imposition est dangereux, parce que les arguments mensongers des libéraux m’énervent davantage encore que la sottise – ou la stratégie idiote – des socialistes, et parce que je ne parviens pas à me débarrasser d’un dernier fond d’idéalisme que je sais pourtant stupide et que le cynisme ne parvient pas à contenir. Mais je ne serais pas fâché pour autant que la gauche se ramasse une nouvelle fessée. Dans tous les cas, j’attends sereinement l’issue de la votation: quel que soit le résultat, je serai dans le camp des gagnants. Pour une fois…

 

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