Des bienfaits de la littérature (18/11/2009)
Par Toto Mo
Une nouvelle de Maupassant ne m’a pas laissé indifférent. Il y est question d’un notaire de province aimant la musique. Un jour, Maître Saval décide de monter à Paris pour écouter un opéra de Saint-Saëns. Il entre dans un café fréquenté par des artistes et entend prononcer le nom d’un jeune peintre qui va pendre la crémaillère. Maître Saval a tant admiré l’oeuvre de ce jeune peintre au dernier Salon qu’il aimerait être invité. Arrivé dans l’atelier, le notaire reçoit l’ordre de balayer la poussière, puis d’allonger cinq francs pour acheter des bougies. Finalement, l’amateur de musique sera traité de larbin par une foule d’invités impatients de faire la fête.
Il y a quelques années, un ami peintre m’a invité chez lui pour célébrer je ne sais plus quoi. Il venait d’acquérir une mince et longue demeure construite le long d’une route. Cet ami avait la chance de connaître quelques propriétaires de galeries dans diverses régions de la Suisse. Il lui arrivait de vendre des tableaux, ce qui ne lui permettait cependant pas d’entretenir une famille. Sa femme avait donc trouvé un poste de secrétaire dans une mairie. Le repas que ces gens m’offraient était un repas froid: salade de carottes et germes de soja, gruyère et pain complet, jus de pommes et eau du robinet servie dans un pot de grès. Je ne me souviens pas des propos tenus autour de la grande table ovale, mais je me rappelle avec précision le clin d’oeil que le peintre adressa à son fils. En arrivant, j’avais distingué derrière la maison un énorme tas de bois. “Il ne va tout de même pas me demander de...” me dis-je en voyant la silhouette dégingandée du fils grandi trop vite revenir une hache à la main. “On avait pensé que tu pourrais nous rendre ce petit service”, dit le peintre en arborant un sourire d’ange.
Lorsque je m’éloignai de la mince demeure, j’entendis l’artiste dire à son fiston: “C’est une chose que tu n’oublieras pas, Marc-Édouard, il faut savoir utiliser ses amis”. Cette situation n’est pas exactement celle imaginée par Maupassant, mais sa nouvelle “Une soirée” m’a rappelé l’invitation pour célébrer je ne sais plus quoi. Ne serait-ce pas un des rôles de la littérature que de faire rêver en confrontant les expériences, que de remettre en mémoire des lambeaux de souvenirs???
Guy de Maupassant: Contes et nouvelles, La Pléiade, tome 1, 1974
01:44 | Lien permanent | Commentaires (0)