Les extrêmes (29/10/2009)

 

par Pascal RebetezGeneveSiegRolexBroRou.jpg

 

 

J’aime marcher dans la ville pour aller à mon travail. Ce matin, je passe sur le trottoir au milieu de la Cour des Miracles devant le Service des tutelles. Il y a là une faune interlope de gens attendant leur pension quotidienne ou hebdomadaire, je ne sais pas trop, je n’ose pas vraiment leur demander ; chacun de ces requérants semblant enfermé dans son propre monde, emballé par sa misère et sa précarité. Même entre eux, ils ne parlent pas. Alors je passe. Au retour du travail, sur le trottoir d’en face, je verrai les jeunes banquiers et autres traders arroser leurs bénéfices dans ces nouveaux « lounges » et bars à vin dans lesquels je n’entre pas davantage, les riches protégeant leur bonne fortune par des prix prohibitifs et des attitudes rédhibitoires pour le simple pékin.

Mais ce matin, une dame n’ayant pas pu toucher son pactole, me demande 2 ou 3 francs pour des cigarettes. Je ne fume plus, je peux bien lui payer un paquet. Nuage de fumée de la compassion. Je tousse un peu. Ça tombe bien, je passe par la rue de l’Ecole-de-Médecine. Stupeur ! Il y a une autre perspective : les arbres au bord de l’Arve ont été coupés et laissent voir tout au fond de la rue… l’immeuble Rolex, dont la fondation offre à la Ville l’opulence architecturale d’une nouvelle passerelle en construction. En échange, vue du siège en verre depuis la plaine de Plainpalais !

Je regarde ma montre à 200 francs et accélère pour couper court à d’autres rêveries. Je suis un homme de la classe moyenne dans une Ville qui déroule les extrêmes. Qui s’ignorent et ainsi se tolèrent.

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