L’affaire du style (14/10/2008)
Par Antonin Moeri
Alain Bagnoud prétend que le style d’un écrivain n’a rien à voir avec son idéologie ou ses sympathies politiques. Je pense qu’il a raison. Prenons l’exemple d’Echenoz. Cet auteur serait-il de droite ou de gauche ? La question ne se pose pas quand on lit sa prose. Il a trouvé un ton, développé un style au sens où Valéry l’entendait : « Le style résulte d’une sensibilité spéciale à l’égard du langage ».
On dirait que le narrateur d’Echenoz se parle à lui-même. Et lorsqu’il évoque la sortie du bain d’un personnage (suivi d’un brossage de dents et d’une manucure), on se demande qui il met en scène : Ravel ou lui-même. Sa manière subtile et joueuse d’esquisser ou fixer quelques gestes, attitudes, détails physiques ou vestimentaires du compositeur français emporte l’adhésion du lecteur.
« Vêtu d’un costume ardoise sous un bref pardessus chocolat. Pas mal non plus ». Ainsi le musicien s’est-il habillé pour rejoindre le paquebot « France » qui l’emportera aux states. Le lecteur ne se demande pas si les couleurs ardoise et chocolat ont été habilement convoquées ou si elles ont été suggérées à Echenoz par un témoin de la scène ou par je ne sais quel biographe-enquêteur scrupuleux. Ces deux mots (désignant ici des couleurs) ont exactement leur place dans la chaîne sonore de ce bref récit où Echenoz réinvente, avec quelle grâce et quelle élégance, la vie de Maurice Ravel.
L’élégance serait-elle de droite ? La question est absurde. Décidément, on n’épuisera jamais le sujet.
Ah oui, j’oubliais. Un ami vient de me communiquer une définition du style qui pourrait pimenter nos discussions. « Le style est une inadhérence, une inadhésion, une inappartenance, une solution de continuité, un défaut de coïncidence entre l’homme et sa parole, entre le moi et son expression, entre l’être et l’infinité de ses possibles. Il est la garantie qu’il y a du jeu, de la place, de la distance, un faste, un lieu d’accueil pour l’avenir ».
Cet ami m’a conseillé de ne pas indiquer le nom de l’auteur de cette définition, car il est mal vu dans les milieux culturels.
01:00 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Le nom, le nom, le nom!
Écrit par : ab | 14/10/2008
Ah non, ah non, ah non.
Je le réserve pour la soirée. Impossible de publier le nom sur ce blog de pensée correcte. L'auteur est honni qui mal y pense. Il vend pourtant ses livres. Il est parfois invité dans une émission animée par Finkelkraut.
J'ai beaucoup aimé ton papier sur Velan. Ce n'est pas du caressage de poils.
Écrit par : am | 14/10/2008