Politique et prédation suite et fin (14/09/2008)

Par Pierre Béguin

 

requin[1].jpgJe le jure, j’avais décidé de parler d’autre chose. Mais la récente actualité – un débat, vendredi dernier au 7-8 de Radio Cité – m’incite à revenir une dernière fois sur ce sujet.

La création par Charles Beer d’une centaine de postes de directeurs dans l’enseignement primaire (avec la centaine de secrétaires en bonus et les cinq super directeurs dont les postes n’ont pas même été mis en concours) est, du point de vue pédagogique, tout à fait incompréhensible, pour ne pas dire d’une incroyable sottise: avec trois neurones et une once de bon sens, n’importe qui comprendra que, vu le manque de moyens, il eût été plus rentable pour l’efficacité de l’enseignement de renforcer le personnel sur le terrain (alors que, en réalité et malgré les dénégations de l’intéressé, pour financer ces postes, on a une nouvelle fois ponctionné les forces vives). Décision aberrante au plan pédagogique, et délire technocratique fort coûteux: alors que les anciens inspecteurs avaient près de 80 classes sous leur responsabilité, les nouveaux directeurs n’en ont qu’une vingtaine dans leur placard doré. Quatre fois moins de travail pour une paie bien supérieure! Le paradis! Merci qui?

Mais Charles Beer, ne l’oublions pas, n’est pas un pédagogue, loin s’en faut, c’est un politicien. Ses décisions ne sont donc pas pédagogiques mais politiques. Et sur ce plan, force est de reconnaître que celle dont nous parlons se justifie pleinement: une centaine de directeurs choyés, couvés, invités à des repas, bref à la solde du chef pour appliquer une politique que la population a refusée clairement et pour soutenir une réélection qui, finalement, seule compte. Gageons que l’élu quittera alors le Département de l’Instruction Publique qui ne l’intéresse guère pour un autre moins exposé. A cette fin, qu’il laisse derrière lui un marasme n’est qu’un dommage colatéral. De même, c’est dans cette seule logique politique qu’il faut comprendre l’incroyable silence de la droite libérale (elle pourtant si prompte d’habitude à s’en offusquer) face à ces dépenses aussi somptuaires qu’injustifiables.

De plus en plus, nos démocraties font la part belle à la prédation politique (avec G. Bush, les républicains américains ont poussé très loin cette logique). Certes, nous n’en sommes pas là à Genève (encore qu’avec le scandale de la BCG, nous avons fait un grand pas dans cette direction…) Mais force est de constater que, dans le domaine politique, les plus intelligents tirent les ficelles et évitent désormais de s’exposer, seuls les seconds couteaux, à quelques rares exceptions, montent au créneau. Et leur première préoccupation est d’y rester, par tous les mensonges. La plupart du temps, leur action est inutile, parfois même elle est désastreuse pour les départements dont ils ont la charge, toujours elle coûte très cher au peuple (les actuels conseillers d’état à Genève sont, à une ou deux exceptions, des représentations quasi emblématiques de ce postulat). Et pourtant, le citoyen continue de placer ses attentes dans le politique comme on attend l’amour ou Godot. Parce qu’il faut bien croire – en l’occurrence en l’idéal démocratique (moi-même qui vous écris sur le ton de la dérision, il m’arrive de croire en François Longchamp pour sauver le DIP, c’est vous dire si je rêve!)

Une chose est sûre: depuis vingt ans que ce département subit les attaques de ses prédateurs politiques, depuis vingt ans que les partis en font le siège et qu’ils s’acharnent à grands coups de bélier sur les portes de l’Institution pour en laisser entrer le clientélisme, on se demande parfois comment l’édifice tient encore debout. Peut-être faudra-t-il un jour se résoudre à en remercier les enseignants? Mais faites vite! La génération résistante part en retraite. L’hallali est proche. Le DIP tel que vous l’avez connu aura bientôt cessé d’exister et le retour sur terre sera rude pour la plupart des citoyens. Nantis mis à part…

 

 


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