Le ventre mou de l'école (26/08/2008)
Dans le cadre des discussions sur l’avenir du Cycle d’Orientation à Genève, une enseignante nous a fait parvenir ce billet qui pourrait susciter un débat contradictoire.
A.M.
Par Nadine Frochaux
J’ai entendu un philosophe dire à la radio que le cycle d’orientation était « le ventre mou de l’école publique genevoise ». Ce propos a retenu mon attention, car il reflète une réalité que je connais bien. J’ai enseigné l’année passée dans une classe du C.O. où il était difficile d’organiser le travail, d’exiger un minimum d’écoute, de donner des devoirs à domicile et, par conséquent, d’évaluer les performances des élèves qui composaient cette classe.
A ces difficultés s’ajoutait une conception des droits de l’enfant pour le moins étrange, puisque chaque élève qui rencontre des problèmes majeurs dans les apprentissages peut remettre en question la pédagogie, c’est-à-dire la manière de travailler des profs. Ce qu’il est convenu d’appeler « le psycho-social » s’impose alors et encourage l’adolescent à se considérer comme une malheureuse victime du système. D’alléchantes perspectives lui sont offertes car, ne supportant pas la moindre contrainte, il lui est permis de développer de subtiles stratégies pour faire reconnaître son droit.
Ainsi suis-je entrée un jour dans la classe où je devais donner mon cours. Les chaises étaient sur les tables. Un élève du groupe en fit tomber une. Comme c’était la troisième fois que cela se produisait, j’ai pris le carnet de communication où j’ai noté que Killian avait, pour la troisième fois, fait tomber une chaise avec fracas. Killian (14 ans) contesta aussitôt ma version des faits. Il s’en est plaint auprès de sa mère qui a aussitôt appelé la direction de l’établissement.
Je fus convoquée dans un bureau où une responsable m’apprit que Killian contestait ma version des faits et que, par conséquent… J’ai imaginé un instant la Cour de Justice, où le présumé coupable doit venir à la barre avouer sa faute. En effet, intervenir auprès d’un adolescent est désormais considéré comme une faute, une faute commise par une enseignante qui doit certainement être paranoïaque ou frustrée sur le plan sexuel, rencontrer des problèmes familiaux ou digestifs, friser la crise de nerfs, avaler des anti-dépresseurs et, last but not least, ne pas assez aimer les adolescents refusant toute forme de contrainte.
01:00 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Vous décrivez à merveille le milieu enseignants et les intrigues mesquines, stupides qui le composent aux différents échelons hiérarchiques. Un directeur du post-obligatoire a même renvoyé une pauvre prof parce qu'un ado s'était suicidé dans sa classe en la sommant que c'était de sa faute et le doyen (qu'un ancien conseiller d'état, auteur d'un blog avait conseillé de changer de métier!), content de pouvoir briller auprès de son chef, écrivait des rapports allant dans ce sens! (...)
Écrit par : Micheline Pace | 26/08/2008
Finalement cette rencontre entre la direction, la mère de l'élève, l'élève et vous à donné quoi ?
Écrit par : Dji | 26/08/2008