Un ami qu’on ne jette pas impunément par la fenêtre (07/05/2008)

« Je ne sais pas pourquoi j’écris tout cela. Peut-être pour rester au plus près de la vérité… » C’est en effet cette recherche qui frappe, dans l’exigeante et intelligente écriture de Catherine Lovey qui, après son premier roman L’homme interdit, nous livre un non moins remarquable polar déguisé avec Cinq vivants pour un seul mort.
L’enquête importe moins en effet que la quête, chez l’écrivaine valaisanne. « Jeudi dernier, mon ami Markus Festinovitch s’est jeté par une fenêtre. Il visitait un appartement rénové en compagnie de Gabriella. » Tel est le point de départ du narrateur qui s’applique à reconstruire les circonstances de cette mort, survenue en Suisse, dans l’impitoyable milieu des affaires. Or, évitant les lieux communs des romans rivés aux contingences politico-sociales, Catherine Lovey choisit d’explorer l’univers intérieur du narrateur.
Cherchant donc à élucider le suicide de Markus, le narrateur est désarçonné par ce geste que rien n’annonçait et réalise qu’il ne sait rien de son ami, en dépit de toutes ces années à le côtoyer. Plus il investigue, plus fondent les certitudes et s’agrandit une fissure en lui. Sa quête l’emmène jusqu’en Finlande, elle occupe toute sa vie, il frise la folie.
J’aime, chez Catherine Lovey, ses phrases précises, banales et denses, chirurgicales qui tissent une intrigue propre à faire découvrir au lecteur – de l’intérieur – le grand complot dont nous sommes tous victimes ; et qui, surtout, l’embarque inéluctablement vers les conséquences à en tirer : le grand danger actuel de la perte de soi, dans un monde où tout est fait pour perdre pied. On ne saurait trop en recommander la lecture.

Serge Bimpage

"Cinq vivants pour un seul mort", par Catherine Lovey. Editions Zoé, 187 pages.

 

 

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