L'espérance folle (05/05/2008)

 Par Pierre Béguin

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 En vagabondant sur la toile, ce qui m’arrive très peu souvent, je tombe sur ces mots sans auteur identifié: «Toi qui sais que les mots pour nous sont des couteaux  Dans les mains de tous les maçons d’espoir,  Les promesses qu’ils nous font depuis des générations  Sont les ombres de nos rêves sur fond de brouillard»

C’est l’espérance folle…

L’écrivain, un maçon d’espoir…   Des mots comme des lames tranchantes qui façonneraient le monde…  C’est l’espérance folle…

Très bien tes coups de gueule sur «blogres», m’a-t-on dit parfois, mais tellement inutiles…

D’accord tes romans sur la dictature, la torture, le trafic d’organes ou le trafic d’art. Mais tellement inutiles… Un livre peut-il donner sens à la mort d’un enfant? C’est l’espérance folle.  Argent, pouvoir, intérêt, égoïsmes mesquins, absolus sur terre! Quels mots tranchants contre l’acier? C’est l’espérance folle…

Dans le dernier roman de mon ami et compère de «blogres» Alain Bagnoud (La Leçon de choses en un jour), un promoteur, cynique et sans état d’âme comme il se doit pour ces gens-là, par l’odeur d’une grange alléché, profite d’un enterrement pour faire ses emplettes: «Alors pour les Granges? Dites un prix!» Qui parmi ces paysans montagnards osera s’opposer publiquement à cet homme que l’argent rend si important? L’affaire va être conclue quand, précise le narrateur, le grand-père «soudain inspiré, convoqua un pouvoir dont je connaissais la sagesse mais pas la force et l’autorité.» Les mots contre l’argent. Tradition contre modernisme. Le combat s’engage alors sur la place publique. Combat inégal? Perdu d’avance? Le vieillard bombarde le promoteur de proverbes en patois. L’autre, surpris, vacille. Et c’est l’estocade: «Mieux vaut un bien désert qu’un bien vendu.» Défait, le promoteur s’en va penaud, son panier à emplettes vide. Les mots ont vaincu l’argent. Cette leçon valait bien un livre sans doute. C’est l’espérance folle…

Et c’est aussi parce que, ce jour-là, il eut la révélation du pouvoir des mots qu’Alain Bagnoud est devenu écrivain. Et qu’il tient un blog. Si la désespérance souvent mène à la plume, la plume souvent est menée par l’espérance.

«C’est l’espérance folle Qui nous console De tomber du nid Et qui demain prépare Pour nos guitares D’autres harmonies.» Tiens, tiens, Guy Béart! Enterré par les médias! Qui l’a entendu sur les ondes? Aperçu récemment dans les bacs? Vu sur le petit écran? Je l’aimais bien. Fasse qu’il revienne! Que certains rappeurs à la mode lui cèdent leur place pour un petit tour!

C’est l’espérance folle…

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