Quotas, sottise et sexisme (20/04/2008)
Par Pierre Béguin
Dans son très long monologue, Figaro, s’interrogeant sur les aléas étranges de son destin, s’écrie dans un moment de désespoir: «On pense à moi pour une place, mais par malheur j’y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint» (Le Mariage de Figaro, Acte V,scène3).
Cette citation m’est revenue en mémoire à la lecture d’une ouverture d’inscription pour un poste de doyenne / doyen dans un Collège genevois, offre qui se termine par cette précision en caractères gras: Priorité sera donnée à une candidature féminine. Autant écrire: interdit aux hommes! Quel spécimen mâle, en effet, sera assez stupide pour répondre à une offre sanctionnée d’une telle restriction? Elle élimine de facto toute proposition masculine, revêtant ainsi un caractère sexiste que, bizarrement, peu de personnes semble considérer, à en croire les opinions recueillies autour de moi, et plus spécialement celles des hommes souvent enclins à s’autoflageller ou à se profiler avec opportunisme, dès qu’une femme les écoute, dans l’espace de la séduction.
Une amie me rappelait récemment que, au temps du Conseiller d’Etat André Chavanne, le problème au DIP était de respecter l’équilibre des confessions: qu’il nommât un catholique à un poste important et, aussitôt, les protestants de s’indigner d’un possible déséquilibre, pour ne pas dire d’un complot du Vatican. Tout le monde, aujourd’hui, considèrerait comme stupide un tel distinguo. Et pourtant, ces mêmes personnes trouvent normal – alors qu’il n’y a, fondamentalement, aucune différence – l’établissement de quotas en faveur des femmes, même à l’Etat où cette forme de sexisme a disparu depuis bien des années. L’argument est toujours le même et d’une sottise affligeante: il s’agit de compenser des siècles de domination de cet avatar de la création qu’est la race masculine dont le plus grand tort est de ne pas être du sexe opposé. Ainsi, pour lutter contre une injustice, on utilise les armes même que, par ailleurs, on condamne vertement. Ainsi, à suivre cette logique, pour s’élever contre le racisme, il faudrait accorder aux noirs des siècles de racisme contre les blancs pour réparer les injustices qu’ils ont subies. Avec un degré de réflexion aussi poussé, qui rend légitime en démocratie une forme de vendetta, on n’est pas prêt de sortir du problème!
D’autant plus que cette théorie des quotas ne fait en réalité qu’habiller d’un voile idéologique les instincts de celles ou de ceux (j’ai des noms! j’ai des noms!) qui, par opportunisme ou soif de pouvoir, tentent de se profiler dans les portes qu’elles/ils ont ouvertes à grand coups de culpabilisation. Vous, lecteurs ou lectrices offensés par mes propos, connaissez-vous beaucoup de véritables idéologues, sincères et désintéressés? Preuve en est que certaines féministes, ferventes apologistes de la théorie des quotas, remettent en cause leur propre conviction sous prétexte que, appliquée sans casuistique, elle demanderait un rééquilibrage en faveur des hommes, désavantageant ainsi les femmes représentées en force dans certaines professions. Ainsi, dans une très large proportion (trois quarts), ce sont des femmes qui ont été nommées par Charles Beer aux nouveaux postes de directrices (eurs) (?) dans l’enseignement primaire. Imaginons le tollé si la proportion eût été inversée. Etrangement, aucune voix ne s’est élevée pour dénoncer «cette scandaleuse preuve de sexisme…»
Mais le pire avec les quotas, par leur logique intrinsèque, c’est qu’il n’y a aucune raison qu’ils se limitent à celles à qui ils sont généreusement accordés. Aucune raison qu’on ne les donne pas aux minorités défavorisées, voire opprimées par la norme depuis des siècles: ainsi des homosexuels, des infirmes, des petits, des laids, etc.
Imaginez que Figaro, désespéré d’appartenir à la norme, s’écriât: «Il fallait un calculateur, ce fut une valaisanne noire, protestante, socialiste et lesbienne qui l’obtint»! N’y en aurait-il qu’une seule, il faudrait retenir sa candidature par respect des quotas dus aux minorités.
On vit une époque formidable!
19:30 | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Bonjour !
Ce n'est pas du sexisme, voyons !
C'est la preuve sémantique que "pêche" (n.f.) aux "voix" (n.f.) est bien féminin.
Il faudra peut-êtres s'en souvenir lors des prochaines élections (n.f.) au Conseil d'Etat (ah zut ! n.m.).
Écrit par : Blondesen | 20/04/2008
cette féminisation rampante de la société est injuste et insupportable, en outre tout le monde est perdant. Les féministes hystériques sont grotesques dans leurs imitations masculines et le taux de testostérone chute dramatiquement chez nos conjoints. A quand le retour de manivelle? que tous les machos se réveillent de leur léthargie et reprennent leur place de pères, maris, amants...
Écrit par : katinka | 21/04/2008
Une égalité basée sur la biologie et non pas sur les compétences est à terme suicidaire.
Écrit par : Victor DUMITRESCU | 21/04/2008
Et les féministes? Elles ne réagissent pas?
Écrit par : Marius | 21/04/2008
Eh Marius! Réfléchis! On peut être féministe et contre les quotas, ce n'est pas incompatible et j'en connais qui partagent cette opinion.
Écrit par : Edouard | 21/04/2008
Et voilà, que CB n'a même voulu respecter la volonté populaire (76% des votants pour une initiative, c'est un score historique!)dans ce processus d'engagement! C'est grave, illégal, illicite!!!!!!!! Imaginez, citoyens, que des signataires du Manifeste contre l'IN 121 ont décidé des candidatures et que certains signataires ont été nommés à ces postes... alors que d'autres ont été écartées pour des raisons fort obscures. Est-ce là un état de droit?
@ Blondesen : Vous avez tout dit. La pêche aux voix (féminines) se résume dans cette volonté de CB, qui a joui de telle privilège et qui continue à se pavaner devant devant les collégiennes en âge de voter et des jeunes maîtresses
Beaucoup se laissent berner par son "charme" (ah, c'est le privilège de l'homme, qui en mûrissan, deveint meilleur!). L'éléctorat féminin représente numériquement plus que le masculin ...
Ah, l'illusion de se faire berner!
Il faudra s'en souvenir lors des prochaines élections au Conseil d'Etat, surtout qu'au lendemain de la votation du 24 septembre 2006, il s'est seulement écrié "Fasse que je sois réélu (en 2009) et que je change de département!" Quelle vision d'une haute fonction!
Pour le secrétariat général ... la maîtrise des 3 langues nationales et de l'anglais - en plus du reste - sera-t-il un vrai critère de séléction?
Écrit par : Micheline Pace | 21/04/2008