Joselito Carnaval, de Pierre Béguin (18/04/2008)
Par Alain Bagnoud
Il est toujours intéressant de remonter un peu dans la production d'un auteur. Je viens de lire, par exemple, Joselito Carnaval, de Pierre Béguin (publié en 2000) .
Pour la clarté de l'affaire, je rappelle que Pierre est un ami avec qui je participe à l'aventure de Blogres. Mais ce n'est pas pour ça que je dois m'empêcher de parler de lui, si j'en ai envie.
Finalement, c'est Pascal Rebetez qui a inauguré ça hier. Vertigineux début. Perspectives prometteuses. Tout de sa faute. Nous allons faire de Blogres un endroit auro-référentiel où nous nous renverrons l'ascenseur. Passe-moi la rhubarbe et je te passe le séné.
Je plaisante, bien entendu. Il vaut mieux préciser, on fait toujours trop confiance. La vraie question est : pourquoi ne pas parler de quelque chose qui nous intéresse, même si ça concerne un ami ? Non à l'autocensure.
Joselito Carnaval, donc, raconte un fait-divers effrayant. Un ramasseur de carton colombien est poignardé au début du carnaval, dans sa ville, puis jeté sur un tas de cadavres où il est laissé pour mort dans les sous-sol d'un hôpital. Mais il se relève, il parvient à s'enfuir et va raconter à un assistant social ce qu'il a vu et vécu.
La police finalement enquête et met à jour un trafic de cornées et d'autres organes humains, qui implique les gardiens et les pontes de l'hôpital. Ainsi que, beaucoup moins volontairement, les miséreux de la ville qui sont attirés et tués pour fournir la matière première.
Mais petit à petit, l'enquête ralentit. Et l'affaire se termine en queue de poisson après quelques assassinats...
Adrien Pasquali disait que chacun de ses livres était la correction du livre précédent. On pourrait probablement généraliser un peu et élargir cette conception à la plupart des auteurs. En tout cas, si on examine les trois derniers livres de Béguin, cette règle s'applique.
Jonathan 2002, son dernier livre, adopte un ton sobre, pudique, au service d'une douleur à laquelle il faut donner un sens. Terre de Personne, son ouvrage précédent, déroule au contraire des longs anneaux de phrases impeccables, souples comme des lianes, en mimétisme avec la jungle dans laquelle se passe cette aventure de pilleurs de tombes précolombiennes.
Joselito Carnaval, antérieur, est composé de parties très diverses, de langages différents, monologues de tons variés, rapports officiels et documents administratifs. Une mosaïque de récits qui concourent efficacement au suspense de l'affaire, et montrent tout le talent d'un auteur qui adopte à chaque fois une forme liée au contenu.
Je me souviens d'une distinction suggérée par Kundera, dans L'art du roman. Selon lui, l'écrivain parlerait toujours de la même voix, alors que le romancier utiliserait des tons différents.
D'où l'on en déduit que Pierre Béguin est un romancier. Et il a une plume remarquable. Ça, ce n'est pas Kundera, c'est moi qui le soutiens.
D'ailleurs, les visiteurs de Blogres le savaient déjà.
Pierre Béguin, Joselito Carnaval, L'Aire 2000
(Publié aussi Le blog d’Alain Bagnoud.)
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