Mort à l'imagination! (15/04/2008)

par antonin moeri

 

 

 

1357399025.jpgJe ne connaissais pas l’existence de Christophe Donner jusqu’au jour où, dans une bonne librairie, je tombe sur un petit livre à couverture noire, dont le titre a retenu mon attention Contre l’imagination. J’aime les pamphlets, car celle ou celui qui en écrit n’est pas habité par la honte, mais par la colère. Notre auteur cherche une réponse à cette question Comment peut-on, en art, se satisfaire de la distraction du public ?
Il s’en prend à l’imaginaire, à cette liberté que le romancier s’octroie dès qu’il invente des noms propres, décrit des lieux ou des paysages qu’il n’a jamais vus, prend ses aises avec le « réel », crée l’ennui, ce soupçon que Nathalie Sarraute pointait il y a une soixantaine d’années. De cet imaginaire qui empoisonnerait la littérature et qui stimule les institutrices, les publicitaires, les as du marketing, les animatrices-télé et les mamans prônant la lecture-plaisir, Donner voudrait se débarrasser pour entrer dans la chair, descendre en soi-même, faire preuve de sincérité.
La retranscription d’une conversation avec un ministre la veille de son suicide n’aurait aucun équivalent dans la littérature. Jamais un écrivain construisant son univers, forgeant une langue, imaginant des langages et les sensations de ses personnages ne saurait atteindre à l’intensité des silences du ministre désespéré.
C’est un bien curieux procès qu’engage Christophe Donner, dont l’instruction exigera des siècles de patience, des masses de témoignages, des montagnes d’indices, des amoncellements de preuves et dans lequel le petit entomologiste que je suis rêve de prendre parti.

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