Le propre du singe (01/04/2008)

Par Antonin Moeri

 

Ma fille a du caractère. Quand elle aime un film, elle le revoit quatre ou cinq fois de suite. Dès qu’on lui résiste, elle devient ombrageuse, développant une agressivité que j’apprécie. Depuis quelques années, elle nourrit une passion exclusive, celle des singes. La visite du musée d’histoire naturelle à Neuchâtel était par conséquent incontournable. Un vent froid soufflait sur la ville. J’avais lu dans le journal qu’il neigerait ce jour-là. La curiosité était trop vive. Nous avons pris le train.
Dans un magnifique bâtiment en pierres d’Hauterive entraient des groupes d’enfants qui chantaient, riaient, piaillaient (la visite est gratuite le mercredi). Mais rassurez-vous, Lou et moi avons pu voir l’exposition sans trop de bousculade. Nous avons longuement contemplé le petit rat qui survécut à une catastrophe climatique et dont descendent les primates. Nous avons aperçu, dans une pénombre savamment dosée, les alignements de crânes où le trou occipital, au fil de l’évolution vers l’être humain, change de dimension et de localisation. Nous avons vu, sur un écran, des chimpanzés aux larges épaules et à la nuque épaisse, des bonobos au corps gracieux, au visage sombre souligné de lèvres roses, aux longs cheveux noirs partagés par une raie au milieu, thorax mince et carrure étroite. Lorsque le bonobo se tient debout, on a l’impression de voir un être humain. Je vous jure, l’image est saisissante.
C’est d’ailleurs ce que tendent à démontrer les organisateurs de l’exposition : la frontière que nous avons voulu établir entre le singe et l’homme est moins certaine qu’on voudrait le croire. Le sentiment d’empathie qu’éprouvent les bonobos le prouve. Cet animal, euh… pardon, cet anthropoïde sait se mettre en imagination à la place de la victime. Ma fille fut ravie de l’apprendre. En vérité, elle avait deviné, il y a longtemps, ce type de comportement chez son frère simien. Cette visite au musée d’histoire naturelle de Neuchâtel ne fit que confirmer son intuition.

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