Sarkozy, Salerno et mai 68 (26/02/2008)
Par Alain Bagnoud
Loin de moi l’idée de me mêler des affaires de nos amis français, mais on peut quand même les remercier d’avoir élu un homme qui fait le spectacle avec une telle régularité et propose tant de réjouissance et d’amusement au monde entier.
Car son audience ne se limite pas à la France. Les multiples traductions (avec les problèmes de fidélité qui vont avec) de son dernier sketch au Salon de l’agriculture en témoignent. Comment restituer « casse-toi pauvre con » en finlandais, en allemand, en hongrois ? Comment rester fidèle à l’esprit du maître ? Important dilemme ! On entend déjà hurler les puristes. Traduttore-traditore ! Etc.
Enfin, vous avez déjà été couverts d’analyses et d’explications sur ce mouvement d’humeur du président, je ne veux pas insister. Simplement souligner la vraie stratégie sarkozienne, que je viens de comprendre et qui me semble diablement fine.
Cet homme, qui déclarait vouloir en finir avec mai 68, est au contraire en train de mener à bien une révolution issue de cette époque. Avec d’abord, comme premier principe, la libération de la parole, chère à cette période. Mais ce n’est pas tout.
Sarkozy prônait le retour à la politesse, aux bonnes mœurs, voici qu’au contraire il montre par l’exemple aux jeunes comment traiter quelqu’un qui ne serait pas d’accord avec eux.
Il prétendait restaurer l’autorité, voici qu’au contraire il sape la sienne propre, l’autorité présidentielle, et de façon peut-être décisive.
Il voulait montrer qu’il aimait les riches, les stars, les Bolloré, les Carla Bruni, la jet set, le voici désormais classé, comme je l’ai entendu hier au Café de la Paix, boulevard Carl-Vogt, dans une de ces délicieuses discussions de bistrot peu argumentées mais si ardentes : « le premier et le seul président qui est proche du peuple. »
Devant ces réalisations si contraires à ses intentions déclarées, tout le monde politique et journalistique se demande comment il va bien pouvoir s’en sortir désormais, Sarkozy. Eh bien, j’ai la solution. Il lui suffit de prendre exemple sur une auguste élue genevoise, chargée de diriger la ville, et qui se propose de lever le pied dans les mois prochains : « Mais je continuerai à donner des orientations à mes cadres. Jusqu'à présent, je me suis beaucoup concentrée sur l'opérationnel. Ce qui était nécessaire en début de mandat, pour prendre connaissance personnellement des dossiers. Ce congé m'offrira l'opportunité du recul, je pourrai me consacrer aux priorités stratégiques et politiques, celles pour lesquelles j'ai effectivement été élue.»
Allez Sarko, tu peux reprendre le programme de Salerno. Disparaître. Et sans qu’on te fasse le moindre reproche. Avec des félicitations même.
Pour ça, il suffit que tu tombes enceinte et que tu transformes ça en grossesse militante !
(Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud)
09:55 | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Ségolène a mis en place le congé de paternité, pour Sarkozy ce serait la solution.
Écrit par : Anthropia | 27/02/2008
alors ça, sarkozy en crypto-défenseur de mai 68, il fallait le trouver...
Écrit par : Primo | 27/02/2008
Joseph T. Salerno est un économiste américain de l'école autrichienne d'économie, convaincu par les idées libertariennes et anarcho-capitalistes. C'est vrai que c'est une proposition séduisante.
Écrit par : Rabbit | 27/02/2008
Elle ne disparaît pas, elle est enceinte. Question: pouvez-vous faire plus réac' et idiot?
Écrit par : JAY | 27/02/2008
Je viens juste de lire un truc sur le nouveau media participatif au sujet des problèmes de traduction: http://www.mediapart.fr/presse-en-debat/l-information-sur-le-web/25022008/le-casse-toi-de-nicolas-sarkozy-un-casse-tete-de-t Il aurait du s'inspirer de Cyrano: Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule ! Cyrano, ôtant son chapeau et saluant comme si le vicomte venait de se présenter. Ah?... Et moi, Cyrano-Savinien-Hercule De Bergerac. C'est vrai qu'il n'avait pas été vraiment injurié avant de dire "casse-toi".
Écrit par : Joel | 28/02/2008
Une petite précision, Jay. Il ne s’agit pas de reprocher à Sandrine Salerno d’être enceinte. Comme mon ami Béguin, je la félicite pour ça et je trouve très bien qu’elle veuille concilier sa grossesse avec son activité professionnelle.
C’est sa revendication médiatisée autour de l’événement qui est ici en question. Sa volonté de transformer ça en grossesse militante (sic).
Car cette formule, si j’essaie de la comprendre, me semble vouloir dire deux choses, à choix.
Premièrement, Madame Salerno sous-entend qu’elle a fait exprès de tomber enceinte dans le but d’accomplir un acte de militantisme et de montrer l’exemple.
Ou alors, deuxièmement, elle croit si bien incarner la gauche dans toute sa personne et toute sa vie que tout ce qui arrive dans son existence en devient du militantisme.
Dans les deux cas, sa position est douteuse et récupératrice. De plus, sa revendication me semble arrogante par rapport aux autres femmes dont la position professionnelle est plus difficile et qui n’ont pas toujours la possibilité matérielle et les moyens d’avoir un enfant.
Écrit par : Alain Bagnoud | 28/02/2008