J'ai du bon tabac (22/02/2008)
Par Olivier Chiacchiari
Abordons sans tarder la question qui déchaîne les passions: l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Autant dire que je suis contre.
J'ai fumé durant près de vingt ans, puis j'ai arrêté trois ans. J'ai replongé deux ans, puis j'ai arrêté à nouveau. Voilà 15 mois que je suis abstinent et content de l'être, car ma santé est prioritaire. Comme la santé publique est prioritaire. Il est plus que souhaitable le tabac soit éradiqué - à terme - de nos sociétés, c'est une affaire de bon sens, mais cela doit-il passer par une interdiction totale ?
Ce qui me pose problème, ce n'est pas la lutte anti-tabac, mais la chasse aux fumeurs. Cet acharnement à diaboliser les consommateurs d'un produit légal est inacceptable. Jusqu'à nouvel avis, on a toujours le droit de vendre des cigarettes, et on a le droit d'en acheter ? C'est donc un produit légal. Durant plus d'un demi siècle on a encouragé les gens à fumer, avec force et publicité, développant ainsi un marché juteux auquel personne ne veut renoncer, aujourd'hui encore. Ni les fabricants, ni l'Etat. Et c'est pourtant ce même Etat qui en un temps record organise la mise au ban de ses consommateurs. Le produit demeure légal, mais pas sa consommation. Une première dans l'histoire du commerce.
Mais le plus stupéfiant, ce sont les fumeurs qui cautionnent l'interdiction. Dans l'incapacité de cesser ou de freiner leur consommation, ceux-là attendent qu'une loi les y contraignent, contraignant tous les autres avec eux. J'ai cessé par deux fois et je sais combien la lutte est pénible et improbable, mais pour y parvenir, il faut se faire aider par des spécialistes, non se faire interdire par l'Etat. Car si chacun demande l'interdiction générale ce qu'il ne peut arrêter en particulier, où va-t-on ! C'est comme si les chauffards demandaient davantage de radars, ou les polémistes davantage de censeurs...
Non, une fois encore, la solution ne se trouve ni dans le camp des pour, ni dans celui des contre. La seule mesure respectueuse des libertés de chacun, c'est de permettre aux responsables d’établissements qui le souhaitent, d'aménager des locaux hermétiques réservés aux fumeurs, répondant à des normes strictes et avérées. Et que l'on pense à vitrer les cloisons, afin de ne pas interdire dans le même élan les liaisons interfumales.
09:38 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
Merci pour cette analyse tout à fait constructive et objective :-)
Écrit par : DdDNews | 22/02/2008
On considère donc que l'homme, étant responsable, peut acheter du tabac et s'empoisonner car c'est sa liberté, mais doit le faire en cachette, loin de ses semblables. Pourquoi alors, pas sens de l'équité, ne pas étendre le principe aux autres drogues, dangereuses aussi pour la santé: cannabis, héroîne, etc. Produit légal, consommation clandestine.
Écrit par : Marcel | 22/02/2008
Tout cela est consternant ! Vous avez une guerre de retard, tous, avec vos combat pour la liberté... On en est ailleurs aujourd'hui: A-t-on le droit d'exposer du personnel à l'équivalent de 20 clopes par jour ? Vous allez me dire que toutes les serveuses et les garçons fument...par dépit, probablement. Me réjouis de vous lire à ce sujet. L'égoïsme est le vrai fléau du siècle. Voyons !
Écrit par : Pierre-Dominique | 22/02/2008
Je ne vois pas ce que la liberté vient faire dans l'idée d'interdire la fumée. Bien sûr, dans un monde idéal, les fumeurs devraient s'abstenir de fumer à table, au restaurant ou en présence de non-fumeurs. Une question de simple bon sens ou de courtoisie. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. C'est un peu comme la téléphone portable. Pourquoi est-ce qu'il y a toujours un imbécile pour diffuser la "musique" qu'il aime dans le bus ou le train et embêter ainsi les autres passagers? Et n'allez surtout pas lui demander d'arrêter, car écouter ses niaiseries, c'est son choix, et son choix veut dire son droit inaliénable et opposable à faire n'importe quoi, et tant pis pour les autres. Je pense qu'il y a ainsi beaucoup de "droits" qui ne sont que des caprices personnels que notre société prend trop au sérieux.
Écrit par : Inma Abbet | 22/02/2008
Merci Olivier pour cette approche intelligente ! J'apprécie ce raisonnement qui est juste et tolérant. Ca fait plaisir de lire des propos appaisant au milieu de ces propos d'exaltés qui ne lévent même pas le nez pour voir les tonnes de kérozène que l'on déverse sur leur tête !!!!!!
;-)
Écrit par : coucou | 22/02/2008
""""""""Je pense qu'il y a ainsi beaucoup de "droits" qui ne sont que des caprices personnels que notre société prend trop au sérieux."""""""
Inma. Je suis on-ne-peut plus d'accord avec ça. Les soi-disant "libertés fondamentales" défendues par les libéraux et la droite en général sont le plus souvent des caprices de riches occidentaux égoïstes, égocentriques, et complétement dépendants de leurs petites manies (clope, grosse bagnole pour tout et rien, voyages en avion 5 fois par an, etc.).
Écrit par : Sandro Minimo | 22/02/2008
La question galvanise les esprits parce qu'elle touche aux notions subjectives des droits et devoirs de chacun à l'égard de son prochain. Comment l'individu s'inscrit-il dans le collectif?
Écrit par : Olivier Chiacchiari | 22/02/2008
Et pourtant, Sandro, je suis une libérale. Paradoxalement, le dilemme posé par le conflit entre plusieurs désirs individuels contradictoires pourrait être résolu par une dose encore plus forte d'individualisme. Etant donné que l'appel à la solidarité ne marche pas dans ce cas précis (un certain nombre de fumeurs se fiche éperdument de la santé et du confort des non-fumeurs), je ne vois pas le confinement de la fumée à la vie privée comme une atteinte à la liberté individuelle mais comme une affirmation de celle-ci (le principe du moi-chez-moi-je fais-ce-que-je-veux). Le renforcement de la distinction entre public et privé me paraît essentiel pour vivre en société. N'en déplaise aux partisans de la transparence appliquée à tous les aspects de la vie, les jardins secrets, les tanières et les ermitages sont plus que jamais nécessaires. Si nous acceptions notre propre solitude, nous serions peut-être plus civilisés en groupe.
Écrit par : Inma Abbet | 22/02/2008