Andromaque et Œdipe (21/02/2008)

par Pascal Rebetez


Mon confrère Pierre Béguin, dans une rubrique récente, montrait avec grande pertinence tout ce qu’un personnage d’Alexandre Dumas pouvait avoir d’œdipien dans son projet d’amour, le citant : «Ma foi, je ne suis plus amoureux, et comme elle ne nous a pas reconnu, détache-là!» Le désir n’est fécond qu’au travers de celui d’un autre. L’autre parti, le rival évacué, le désir n’a plus de sens : maman peut dormir tranquille.

J’y pensais l’autre soir à la Comédie où une excellente troupe française, sous une houlette albionne, jouait à merveille la tragédie de Jean Racine qui, lui non plus, n’avait pas besoin d’avoir lu Freud pour connaître son humanité complexe.

A un certain moment, Oreste fou d’amour pour Hermione, s’en prend à l’agressivité œdipienne de Pyrrhus :

Non, non, je le connais, mon désespoir le flatte
Sans moi, sans mon amour, il dédaignait l'ingrate ;
Ses charmes jusque-là n'avaient pu le toucher :
Le cruel ne la prend que pour me l'arracher.


Et voilà comment l’autre, par la manifestation de son désir, légitime le mien, tout en l’entravant. C’est ainsi qu’on aime aimer, quand trop enfant nous restons. Et qu’on oublie les les vrais rejetons, en l’occurrence ici, le fils d’Achille, Astyanax, représenté en adolescent délicieusement idiot, jouet flottant sur les eaux tumultueuses des guerres et des jalousies parentales.
A noter, mais cela n’a peut-être rien à voir, qu’il existe une position sexuelle dite d’Andromaque, où la femme chevauche son mâle. C’est ainsi qu’Hector aimait le faire.

En position assise, dite du velours rouge, je vous conseille la Comédie. C’est assez rare de sortir du théâtre en ayant eu le sentiment d’avoir été conquis par le verbe évidemment, par le jeu et l’intelligence du propos.

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