Traduttore, traditore ! (28/12/2007)

 

Par Olivier Chiacchiari

 

Une traductrice bernoise travaille actuellement sur la version allemande de ma pièce La Mère et l'enfant se portent bien. Tout se présentait pour le mieux avant qu'elle n'attire mon attention sur le titre. Quoi, le titre ? Il s'agit d'une satire sociale qui traite de l'incapacité d'un homme à assumer sa paternité. Plus la mère et l'enfant s'épanouissent, plus le père se sent exclu. L'expression consacrée paraît donc idéale dans la mesure où elle fait retentir l'absence du père avec ironie...
En allemand, l'expression consacrée ne l'est plus tout à fait, me dit-on. Die mutter und das kind wohl auf, c'est plat, sans éclat, me dit-on. Impossible d'en juger par moi-même, je suis bilingue français-italien, pas allemand, bon sang ! Pourquoi ai-je négligé le Wir sprechen deutsch de ma scolarité, pourquoi ai-je préféré le lancé de gomme à la langue de Goethe, scheisse ! Oh, pardon… flûte !
Il ne suffit pas de traduire littéralement, il faut penser, repenser dans la langue d'accueil, quitte à prendre des chemins de traverse pour redonner une cohérence à l'ensemble. Car au-delà du sens, la langue véhicule l'histoire, les symboles, les moeurs du peuple qui la pratique. Les mêmes mots n'évoquent pas les mêmes choses partout, toutes les expressions ne passent pas les frontières, il faut se montrer curieux, audacieux, inventif. Un travail d'écriture, en somme.
Que faire ? Changer de traductrice ? Ça ne ferait que repousser le problème. Changer de titre ? Un intitulé passe-partout, genre Baby Blues ? Ça ne ferait que simplifier le problème. Le titre est sans doute annonciateur d'autres casse-têtes à venir. Alors quoi ? Oublier l'original, changer de langue, réécrire le tout ? Mais oui, voilà la solution ! Je me replonge dans le Wir sprechen deutsch et je réécris la pièce en allemand ! C'est le seul moyen d'éviter la trahison...

 

 

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